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Armand Nill Pionnier de la TSF

29.03.2023

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Armand Nill  Pionnier de la TSF

Il y a 90 ans, un article de l'Est Républicain du mardi 16 mai 1933 relatait la passion d'un Portois d'Armand NILL, l'un des tout premiers radio amateur et de plus installé à Saint-Nicolas-de-Port.

Un beau témoignage (sur 2 pages du journal à l'époque ...). 

L'enregistrement et la diffusion de l'image et du son avec un smartphone sont  maintenant d'une simplicité banale et quotidienne. En 1933, pour le grand public la télévision est une idée de sciences fiction... et pourtant .. 

T.S.F.    F.8.N.K.  nous parle

 

 

M. Armand NILL à son poste d’émission et la grande antenne à Saint-Nicolas-de-Port en 1932 (Est Républicain 16/05/1933 en 3° et 4° page)

La grande famille des émetteurs privés autorisés à procéder à des émissions particulières de T.S.F. est assez peu connue du grand public. Depuis une dizaine d’année, l’ensemble des 8, c’est ainsi qu’on nomme les émetteurs autorisés, s’est développé en concourant au progrès qui permettent chaque jour à la T.S.F. de se perfectionner.

Chacun de ces amateurs désintéressés a contribué dans une mesure plus ou moins importante à la découverte d’améliorations techniques. La science officielle a fréquemment enregistré de précieux apports du à l’ingéniosité et au dévouement des « 8 ».

C’est à ces particuliers que l’on doit l’utilisation pratique des ondes courtes. Lorsque au lendemain de la guerre l’Etat accorda un statut aux émetteurs privés, reconnaissant et limitant leurs droits en matière de T.S.F. ; il leur attribua la gamme des petites ondes, puis celle des ondes courtes.

Ces ondes de 20 à 80 mètres étaient jugées officiellement sans intérêts. Les expériences des services de l’Etat ayant rejeté ces ondes courtes, les amateurs autorisés s’empressèrent de les prendre. Ils ne tardèrent pas à démontrer leur grande valeur au point de vue de leur portée lointaine et de leur stabilité.

Aujourd’hui, les ondes courtes sont reconnues, chaque pays les utilise pour obtenir des relations continues avec les pays éloignés. Elles donnent des résultats beaucoup plus réguliers tant en matière télégraphique que téléphonique. On sait que l’on correspond maintenant très facilement par voie téléphonique entre la France et l’Indochine. Les grands paquebots transatlantiques viennent d’être munis d’appareils qui permettent aux passagers de rester en contact permanent avec le continent.

C’est donc une victoire pour émetteurs privés, qui mirent au point l’utilisation de ces ondes courtes abandonnées par les services officiels.

Nous avons pensé qu’il serait intéressant de mettre en relief l’effort de ces « 8 ». Et nous avons choisi à titre d’exemple parmi les émetteurs de notre région, l’un des plus jeunes, mais l’un des plus remarquables d’entre eux, M. Armand Nill, de Saint-Nicolas-de-Port.

M. Armand Nill est le fils du secrétaire général de la mairie de Saint-Nicolas. Grand, d’allure sportive, le visage à l’expression très vive, M. Nill nous reçoit dans son poste, installé au domicile de sa famille, rue des Trois-Pucelles.

Nous le surprenons en train de lancer un appel à ses confrères émetteurs. Assis devant son émetteur, la tête penchée vers le micro, M. Armand Nill invite les émetteurs à l’écoute à répondre à son appel : « Allo ! Allo ! Appel général de F.8.N.K. … Allo ! Allo ! ici  F.8.N.K…. Napoléon-Kléber » 

L’appel est répété, puis lancé en langues allemande et anglaise.

Puis M. Nill éteint ses lampes d’émissions et passe de l’émission à la réception en manoeuvrant son poste récepteur placé sous l’émetteur. Quelques secondes s’écoulent. Le temps de manœuvrer un condensateur de réglage, et un sifflement sort du haut-parleur. Et aussitôt nous entendons : « Allo ! Allo ! ici 8.N.K.F…Allo ! Allo ! 8.Z.F. Zélande-France qui répond à votre appel ».

La liaison est faite et une conversation amicale s’engage aussitôt. Elle ne sera pas secrète ni privée… Elle consistera en appréciations réciproques sur la qualité de l’émission, sur la clarté de la modulation.

M. Nill passe en moins de 1 seconde de l’émission à la réception, aussi la conversation permet-elle un dialogue sans grande interruption.

8.Z.F. er 8.N.K. échangent des considérations d’ordre purement technique sur le matériel qu’ils emploient et sur les perfectionnements que chacun vient d’apporter à son poste. Aucune phrase d’intérêt particulier ne se glisse dans cet échange de renseignements : la censure des P.T.T. qui interdit toute conversation privée et personnelle, est aux écoutes….

Nous écoutons, surpris et admiratifs. Nous sommes étonnés de la pureté de cette voix qui parle de Boulogne-sur-Mer. Elle répond à chacune des questions posées par le poste de Saint-Nicolas-de-Port. Nous avons la preuve qu’il ne s’est pas perdu une syllabe dans les mots envoyés par M. Nill.

Puis, après quelques congratulations fort cordiales, les deux correspondants se quittent et abandonnent leurs émissions

M. Nill nous fait alors les honneurs de son installation. Elle est entièrement son œuvre. La plupart des accessoires en dehors de certaines pièces de précision et de contrôle, ont été construits  par lui.

M. Armand Nill nous dit qu’il commença ses essais vers 1927. Le matériel utilisé et les moyens d’émission étaient alors très limités, petit à petit des modifications furent apportées tant au point de vue techniques qu’au point de vue réalisation pour arriver à l’émetteur actuel qui travaille avec une puissance de 100 watts pilotés par cristal de quartz. L’installation radio émettrice de télégraphie et téléphonie travaille sur la fréquence de 7142 kilocycles correspondant à la longueur d’onde de 42 mètres 005. Toute l’énergie électrique est empruntée au secteur alternatif 110 V à 50 périodes et ne dépasse pas 500 à 550 watts, c’est-à-dire à peu près la puissance d’énergie électrique demandée par un fer à repasser d’un modèle moyen.

 

M. Nill nous fait une savante description technique détaillée des divers organes de son poste.

Puis il nous donne quelques précisions d’intérêt général.

Les émissions sont faites soit en téléphonie, soit en télégraphie : la télégraphie ayant l’intérêt sur la téléphonie qu’elle est comprise dans le monde entier grâce au code internationalisé. D’autre part, sa portée est beaucoup plus grande car il est possible de lire une émission télégraphique reçue très faiblement, alors que la téléphonie  serait au même moment absolument incompréhensible.

« Lorsque la distance est très grande (passé 5000 kilomètres) la couche ionisée de la haute atmosphère produit un fading déformant, et il est à peu près impossible de suivre une émission téléphonique de faible puissance, par suite de la déformation de la modulation. Dans un cas identique on peut comprendre et déchiffrer une émission télégraphique de même puissance ».

M. Nill nous parle à présent des résultats obtenus par lui. De nombreuses cartes venues du monde entier attestent que les émissions de F.8. N.K. furent reçues dans les meilleures conditions. Nous ne pouvons pas, faute de place, citer ici toutes les performances de M. Armand Nill. Contentons-nous d’indiquer celles qui frapperont plus l’imagination de nos lecteurs, profanes dans leur majorité, des questions d’une technique aussi élevée.

Les émissions de F.8.N.K. furent reçues à Magdebourg, Hanovre, Postdam, Bayreuth, Cologne, Stuttgart, Berlin. A Zurich, Gand, Varsovie, Lwow, Constanza, Turin, Venise, Hilversum, Klagenfurt, pour l’Europe Centrale.

A Liverpool, aux iles Baléares, Barcelone, Istamboul.

 Et pour citer les portées les plus lointaines, signalons Kiew (U.R.S.S.) Tomsk (Sibérie) Brynjuff, Flekkfjord (Norvège) Riga et enfin New-York City et Capetown (Afrique du Sud).

Cette énumération se passe de commentaires, quant à la valeur technique du poste F.8.N.K.  Elle nous montre les possibilités offertes par les ondes courtes. Un émetteur de petite puissance, monté correctement, et bien raccordé avec son antenne, peut être entendu dans le monde entier. Lorsque la propagation le permet, il est aussi facile de communiquer avec la Nouvelle-Zélande qu’avec un ami qui  se trouverait à 130 ou 200 kilomètres.

Et cependant, presque tous les amateurs sur ondes courtes se trouvent dans des villes ou des agglomérations qui produisent une absorption formidable du courant haute fréquence. Le peu de courant qui subsiste parcourt le monde et permet d’effectuer souvent de très belles et très confortables liaisons bilatérales.

Nous demandons à M. Nill de nous dire ce qu’il pense de l’avenir de la T.S.F.

 

Il serait fort intéressant, que nos lecteurs connaissent l’opinion particulièrement autorisée d’un spécialiste tel que vous.

N. Nill nous dit quelques mots sur les plaintes souvent mal fondées, émanant de propriétaires de postes-récepteur voisins des postes émetteurs à ondes courtes.

Puis il ajoute :

Chaque progrès de la science amène évidemment ses avantages et ses inconvénients. Mais nous croyons que les inconvénients dus aux ondes courtes sont de mince taille et qu’au contraire nous en recevons déjà beaucoup de bienfaits. Au point de vue des informations du monde entier, les grandes agences Nationales et Internationales possèdent de puissants émetteurs sur ondes courtes qui leur permettent de couvrir le monde ; les nouvelles vont donc de pays à pays à la vitesse de 300 000 kilomètres à la seconde. Un pays veut-il rester en relation constante avec une de ses colonies lointaines ? Il utilise les ondes courtes, les seules qui arrivent à vaincre la distance. Les ondes courtes sont au premier rang des appareils devant assurer une communication à grande distance. On les utilise également pour remplacer les câbles sous-marins. Mais là ce sont des ondes encore plus courtes qui vont de quelques centimètres à quelques mètres. La liaison téléphonique de Nice à la Corse s’établit de cette manière. Des expériences concluantes ont été tentées en ondes dirigées ultra courtes entre la côte française et la côte anglaise au-dessus de la Manche. 

Dans un temps, qui peut-être est proche, de nouvelles combinaisons où procédés nous permettront de diminuer encore les longueurs d’ondes et d’arriver à des fréquences voisines de celles de l’infra-rouge. Dès ce moment, une question se posera, celle du transport de l’énergie électrique sans conducteurs. Il suffira de trouver un moyen de superposer à l’onde porteuse l’énergie électrique ; un moyen atteignant le même but superpose la modulation des grandes stations de radiodiffusion.

Cette radiodiffusion nous encore déjà quelques milliwatts et quelques micro-ampères. De là, à transporter des millions de kilowatts comme en charrient nos lignes actuelles à haute tension, il y a évidemment un gouffre ;  mais le temps est l’expérience jettera, un jour, un pont d’une rive à l’autre.

Et M. Armand Nill conclut en ces termes « Bientôt la radio nous donnera la vision… elle nous réserve, avec le  temps bien d’autres surprises encore… »

Nous le croyons volontiers. Mais on nous permettra de souligner encore la part importante prise dans le développement par les amateurs et en particulier les « 8 » français dont M. Armand Nill est un des représentants les plus autorisés.

B.P.

 

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